La Table de conversation évoque chaque semaine les chemins parcourus tout au long de leur vie par Rose, Daniel, Roger et Sylva. L'occasion de les suivre dans des lieux qui plus que tout autre ont façonné leur univers et leur imaginaire.


Rose Fouquette : "... Je suis née à 200 mètres du moulin, rue Crimont. Toute ma jeunesse s'est déroulée sous le moulin du Cat sauvage parce qu’à l'époque, c'était un lieu de jeu. On y venait jouer sur la motte. S’y trouvaient aussi des galets dont on faisait collection. Et puis nos parents venaient au moulin parce c'était utile pour toutes les céréales fourragères ou bien pour le pain. Le pain à ce temps-là était fait avec notre blé, ce qui n'est plus le cas maintenant...."

Sylva Bastien : "... Je suis né rue Maclinoire en 1937 à 100 mètres du moulin. Et puis je suis parti habiter un peu plus bas mais ma jeunesse s'est passée ici. Oswald, le meunier à l’époque, c'était pour moi un deuxième papa. De ma maison, je voyais le moulin qui tournait et je montais ici tous les jeudis après-midi. Quand Oswald partait boire sa pinte chez Juliette, moi je regardais au moulin. Il n'y avait pas grand chose à regarder mais il fallait que l'écoulement dans la trémie se fasse régulièrement et que les meules soient alimentées pour éviter qu’elles tournent à vide...."




Sylva : "... Le moulin reste un symbole. Quand je passe devant, je dis souvent à me femme : "si tu voyais les heures qu'on a passé là le jeudi après-midi » … Parce que de mon temps, c'était le jeudi après-midi qu'on avait congé à l'école. En semaine, on ne voyait jamais personne. Une fois que j'ai eu 15-16 ans, les jeudis après-midi du moulin se sont estompés petit à petit comme en général à cet âge-là…. On avait autre chose à penser qu'au moulin !..."

Rose : « … Je crois que la dernière fois que j'ai vu tourner le moulin pour de bon et pas pour le tourisme, c'était en 1955. Je me souviens très bien, je passais là le soir et le moulin tournait tranquillement. C'était la nuit avec les ombres, c'était très joli. Plus personne ne s'en occupait et il a failli être démoli. C'est à la dernière minute qu'on a réussi à la maintenir debout. C'est aussi à cette époque qu'on a commencé à faire des activités pour attirer l'attention, récolter des sous et le restaurer. Mais malheureusement, la restauration l'a quand même fortement modifié.

Quelqu’un m'a un jour raconté qu’un des meuniers, qui tournait sans arrêt l'hiver, avait parfois tellement froid qu'il mettait ses mains dans le sac de farine parce qu’elle était un peu chaude à cause de la friction des meules. J'ai toujours espéré qu'il n'y mettait pas les pieds..."

 


Le Moulin du Cat sauvage d'Ellezelles

Rose : "... Du point de vue historique, le moulin a été construit pour éviter une perte des droits banaux qui revenaient à la Comtesse de Marsant. Pour éviter que les taxes partent ailleurs, elle a fait construire le moulin. Ensuite, par héritage ou mariage, le moulin est arrivé dans le famille Lizon qu'on a toujours appelé " Cat sauvage". Le moulin a été construit à une époque où la chaussée de Renaix n'existait pas. C'est très difficile d'imaginer qu'il n'y avait pas le trafic que l’on connaît aujourd’hui. Ce qui  explique que la ferme du Cat Sauvage est coupée du moulin par une chaussée assez bruyante. Une chaussée qui s'est achevée d’être construite après l'indépendance. Il faut aussi imaginer que les accès au moulin étaient multipliés et qu’il n'y avait pas que les accès actuels impraticables et dangereux pour les piétons d’aujourd’hui.  

La rampe du moulin était soignée et arrangée de façon à ce qu'elle soit praticable par des chariots. On la grimpait avec des chevaux et un chariot appelé "beuniau". On s’arrêtait sous l'escalier, on mettait un noeud coulant avec une chaîne à la gueule des sacs et c'était le moulin qui montait tous les sacs en haut par la force des ailes. Il n'y avait pas d'effort humain, c'était très ingénieux. Certains venaient ici en brouette avec des petits sacs de 50kg. Quand le moulin tournait, on ne pouvait pas y venir jouer parce que c'était interdit de grimper la motte, les ailes du moulin frôlaient le gazon. On connaissait quand même bien le trajet de l'aile et on ne se mettait pas du tout dans le trajet. Quand on était sur le moulin et que les toiles étaient placées entièrement, ça tanguait terriblement… ça tournait à une vitesse folle. On était à la limite de la terreur et du bonheur parce que c'était très excitant d'avoir le moulin qui craquait. Moi, je me souviens particulièrement de l'odeur et des bruits..."




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