Chaque mardi à Ellezelles, des habitants du Pays des Collines se réunissent autour d'une table nommée : la Table de conversation. Avec 3 principes bien ancrés. Le premier : s'exprimer uniquement en patois picard

 



 

 

 

 

Le second : que le gens se rencontrent, partagent, échangent autour d'une histoire - la leur - et celle d'un patrimoine commun : le Pays des Collines. Quant au troisième, il est à découvrir à travers ce reportage réalisé en 2005 ...


Rose Fouquette
 : "... Retraitée, j’ai commencé à prendre des cours d'anglais. Comme je n'avais pas tellement de voisins qui parlaient anglais, je me suis dit que j'allais faire une table de conversation. Par boutade, quelqu’un m’a dit : "vous faites des tables d'anglais et vous ne parlez même pas le patois de votre région"… Donc je me suis dit : « en effet, pourquoi pas. Dont acte ! J'en ai parlé ici au Centre Culturel du Pays des Collines. L'appel a été fait dans un « toutes-boîtes » et avec quelques informations à gauche et à droite mais c'est surtout le bouche à oreille qui fonctionne…

C’est comme ça que j'ai personnellement téléphoné à Sylva – que je ne connaissais pas -pour avoir des informations sur le moulin de la Houssière. C'est ainsi qu'il est devenu très assidu. Comme Roger et Daniel que je connais un peu pour l'avoir vu un peu partout dans les soirées, les bals folk où il est omniprésent. Quant aux autres membres, je les connaît pratiquement tous personnellement et en tous cas on a des liens, des souvenirs, des connaissances, des intérêts communs comme, par exemple, ce vieux moulin de la Houssière qui n'existe plus depuis longtemps mais qui est encore très vivant dans l'affectif des gens. Je pense que le patois est quelque chose de très affectif avant tout et c'est peut-être aussi pour ça qu'il meure…

Nous, à la Table, on dit en patois pour faciliter les choses, parce que picard c'est un peu plus « tournaisien » et « wallon »,  c'est un peu plus liégeois, donc on dit patois. La table a lieu tous les mardis de 10 h30 à midi à la salle Beaubourg à Ellezelles, sauf pendant les vacances scolaires parce qu’on a parfois des petits enfants à garder pendant les vacances et on en profite pour leur parler patois à la maison...

La Table de conversation m'apporte énormément de choses y compris dans la recherche, parce que même si on est là pour s'amuser, on joint l'utile à l'agréable et on retrouve beaucoup de choses du passé. Et puis ce qui me préoccupe aussi, c'est qu'on ne sait plus comment faire pour mettre les gens en contacts. Plus il y a des moyens médiatiques, moins il y a de contacts. Je suis une grande rêveuse mais j'espère que c'est un petit moyen de faire se rencontrer les gens qui ont des choses à échanger, qui ont une histoire un peu commune. Je ne suis pas tournée vers le passé mais je trouve que si on a une bonne base, on envisage mieux l'avenir. D'ailleurs maintenant, on ne doute de rien ! On va créer des cours d'Esperento.

Il y a les assidus et d'autres personnes qui viennent de temps à autre. Très peu de jeunes mais l'horaire ne leur est pas favorable ! Mais je me demande aussi si c'est une histoire de jeunes parce que le patois concerne quand même une vie qui, il faut bien le dire, disparaît. Le patois est rural dans notre région des Collines et il y a très peu d'autres apports que la ruralité, que ce soit dans les lieux ou dans les métiers. Par exemple, on avait un jour essayé de faire une Table sur Saint Valentin. Résultat : rien car c'est un sujet qui est très difficile en patois. Mais si vous parlez du ferrage des chevaux, vous avez tout ce que vous voulez ! ..."


Sylva Bastien

 

 

Autour de la table de conversation

Rose Fouquette, Sylva Bastien, 
Roger Herchuelz d'Ellezelles 
et Daniel Willocq de Frasnes-lez-Buissenal et d'autres ...


Rose Fouquette


Daniel Willocq



Sylva Bastien : "... Un jour, une dame me téléphone et me demande des renseignements concernant le moulin de la Houssière. C’était Rose. Je ne la connaissais pas alors qu'on a habité dans le temps à 100 mètres de distance à vol d'oiseau… On a parlé de sa tante, Marie Fouquette et puis elle m'a demandé si je pouvais venir à la Table de conversation pour évoquer le moulin de la Houssière. Je me suis dit : "je vais aller voir" mais j’ignorais que c'était un table en patois. Là-bas, je me suis rendu compte que je connaissais pratiquement tout le monde sauf Daniel. Ca m'a plu ! 

Et puis Rose nous met dans le bain. On parle de choses et d'autres, de n'importe quoi, jamais de médisances, c'est ça que j'aime bien. On ne sait même pas en arrivant le matin comment on va commencer et comment on va finir mais on s'amuse bien. C'est le principal. De temps en temps on retrouve des mots. Des mots qui ne sont plus utilisés peut-être depuis 20 ans et puis ça me fait travailler un peu l’esprit. Parfois les mêmes mots en patois veulent dire deux choses différentes en fonction du sens de la conversation. Et puis certaines phrases, certains mots, certains endroits, certains lieux ressortent dont on a même plus le moindre souvenir mais quand on en parle, on se dit : "ah oui, ça je me rappelle ! » Je trouve que c'est merveilleux.

 Moi je parle plusieurs patois. Celui d’Ellezelles et celui de Saint-sauveur car mon père était de Saint Sauveur. J'ai toujours parlé patois sauf avec ma fille qui ne connaît pas un mot de patois. Je trouve ça dommage. Tout petit, quand je suis rentré à l'école, j'ai dû apprendre le français car je n’en parlais pas un mot. Tous les enfants de mon âge étaient pratiquement tous logés à la même enseigne. On parlait le patois, notre langue maternelle, notre langue d'origine. J'ai toujours continué à parler le wallon et je le revendique, je suis wallon pure souche ! ..."

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