Maurice Pichon est né à Ellignies (Frasnes-lez-Anvaing) et vit à Anseroeul. Enseignant durant 20 ans, puis responsable des travaux à la commune de Mont-de-l'Enclus, passionné d'histoire, écrivain, conteur, on lui doit "La légende de Liedericq".

 



 

 

 

 

Maurice Pichon donne en partage son amour des paysages et des lieux qui ont façonné sa vie et le Pays des Collines.


Les origines

"...Je suis né à Ellignies. Ce sont vraiment mes racines ici. Je suis un Collinard. Ellignies, c’était une petite communauté qui vivait entre le bois d'Anvaing, le parc du Château et la colline du bois de Martimont. Malheureusement, on a construit deux routes (de Frasnes à Renaix), doublées en largeur et a abattu la moitié de l’habitat traditionnel. D’autre part, on a reconstruit le même nombre de maisons dans des styles tous différents qui n’ont rien n’à voir avec l’agriculture, car c’était quand même la caractéristique du village, l’agriculture...


L'école de la liberté


"... Une centaine d’habitants vivaient à Ellignies, c’était vraiment très petit. La communauté se retrouvait le dimanche à l’église. Après la messe, on sortait et toute la paroisse se regroupait sur le parvis pour échanger les potins. C’était très constructif ce moment-là. A Ellignies, il n’y avait pas de commerce. On allait au bourg. Le bourg pour les gens d’Ellignies, c’était Frasnes avec le marché. Pour les petites commissions comme les clous et tous ces trucs-là, il y avait Anvaing. Tout ce qui était administratif relevait d’Anvaing mais disons qu’on allait à Frasnes pour le marché du vendredi qui ’était très important. 

Les jeunes pensent actuellement qu’ils sont libres mais nous, on était vraiment libre. J’allais à l’école à Anvaing. Avec la drève du Château longue de deux kilomètres entre les bois, le château et le gibier que l’on rencontrait, on arrivait toujours en retard. Après l’école, on se retrouvait par les petits sentiers à l’intérieur du village; rendez-vous à telle heure là-bas. C’était la totale liberté, vraiment en dehors du monde adulte, mais profitant quand même des adultes..."

 

C'est où l'enfer ?

"... Ellignies, on disait parfois, c’est la porte de l’enfer. Surtout les gens de Frasnes disaient Ellignies, c’est l’enfer. C’est vrai qu’il y avait beaucoup de « buveux ».  Toutes les maisons étaient un petit peu un café clandestin. Le matin, on buvait sa petite « goutte ». J’ai vécu là jusque à peu prés 23 ans. Notre ferme, c’était une petite ferme de 7 ou 8 hectares. On pouvait vivre très bien avec une ferme de cette grandeur. Maintenant, cela vaut un petit champ pour un fermier..."



 



Maurice Pichon

Une enfance entre 2 communautés

"... J’y suis né en 1943 et j’ai surtout passé mes études primaires dans ce village. Il y avait 2 communautés à Ellignies : celle des adultes et celle des jeunes qui vivait parallèlement à la communauté des adultes. Les jeunes intervenaient auprès des adultes mais surtout, ils avaient une vie à part en allant dans les bois.  On avait des cachettes partout et on appelait cela des camps. Quand la Rhosnes débordait, on allait faire du canotage avec des cuvelles. On avait énormément d’activités qui ne plaisaient pas toujours aux adultes, mais c’était une communauté séparée qui était bien au courant de ce que les adultes faisaient et des petits bruits de ménage, des petites scènes. On savait mais on avait intérêt à ne rien dire. On était conscient de cela..."


Devant la maison natale à Ellignies

Ceux d'en Haut et ceux d'en Bas

"... Les gens du bas du village d’Ellignies avaient quand même plus d’aisance que les gens du haut, ceux du Bois de Martimont. La terre sur le bois de Martimont, c’est du sable, des galets avec des petites fermes et toute une série d’ouvriers agricoles et de servantes qui descendaient sur le village d’Ellignies pour travailler dans les fermes et qui remontaient le soir. On était plus pauvre sur le dessus mais les petits fermiers d’Ellignies n’étaient quand même pas très riches. Malgré tout, ils se considéraient différents des gens de Martimont, plus indépendants, plus vite révolutionnaires, moins classiques quoi ! Notre champ de plaisir, notre champ d’action, c’était la Fontaine à Buse et la Fontaine de l’Enfer. On y allait par les petits sentiers et par la lande à cette époque-là. Maintenant, c’est boisé. On y organisait des jeux de cow-boys, indiens, Tarzan. Cela se faisait beaucoup à la fontaine et puis quand on devenait un peu plus grand, les rendez-vous galants, c’était là aussi..."

Collinard ou collineux ? 

"... Ma maison natale est tout à fait changée et rénovée. Elle ne nous appartient plus. Des bâtiments ont été abattus et c’est devenu une belle petite maison de campagne. Ce sont des étrangers qui l'ont achetée, des gens du coin quand même, des collineux parce qu’il y a les collineux et les collinards. Un collinard correspond à campagnard, à un type élevé dans les collines qui connaît le caractère rural, pas parce qu’il acquit la ruralité mais parce qu’il connaît la terre et qu'il sait mettre ses mains dans la terre. Il connaît les rythmes de la terre des saisons et il a plein de points de repères et ses racines dans les Collines. Je suis collinard parce que je suis né dans les collines, que j’ai biné des betteraves, que j’ai travaillé derrière des chevaux. Le collinard, c’est un rural et le rural ce n’est pas seulement celui qui obtient une ruralité. Non, c’est les mains dans la terre. La terre à ses vérités, ne fut-ce seulement comment on la touche, on l’aperçoit. Ca, c’est le collinard. Il va avec campagne, il va avec champ. Il y a le collinard et disons le touriste qui devient collineux et qui plus tard devrait devenir collinard. Cela est important, il ne faut pas oublier les gens du cru..."


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