Les origines
"...Je
suis né à Ellignies. Ce sont vraiment mes racines ici. Je suis un
Collinard. Ellignies, c’était une petite communauté qui
vivait entre le bois d'Anvaing, le parc du Château et la colline du bois de Martimont. Malheureusement, on a
construit deux routes (de Frasnes à Renaix), doublées en largeur et
a
abattu la moitié de l’habitat traditionnel. D’autre part,
on a reconstruit le même nombre de maisons dans des styles tous
différents qui n’ont rien n’à voir avec l’agriculture,
car c’était quand même la caractéristique du village, l’agriculture...
L'école
de la liberté
"... Une centaine d’habitants vivaient à Ellignies, c’était vraiment très
petit. La communauté se retrouvait le dimanche à l’église.
Après la messe, on sortait et toute la paroisse se regroupait sur le
parvis pour échanger les
potins. C’était très constructif ce moment-là. A Ellignies,
il n’y avait pas de commerce. On allait au bourg. Le bourg pour les gens d’Ellignies, c’était
Frasnes avec le marché. Pour les
petites commissions comme les clous et tous ces trucs-là, il y
avait Anvaing. Tout ce qui était administratif relevait d’Anvaing
mais disons qu’on allait à Frasnes pour le marché du
vendredi qui ’était très important.
Les
jeunes pensent actuellement qu’ils sont libres mais nous, on
était vraiment libre. J’allais à l’école à Anvaing. Avec
la drève du Château longue de deux kilomètres entre les bois,
le château et le gibier que l’on
rencontrait, on arrivait toujours en retard. Après l’école,
on se retrouvait par les petits sentiers à l’intérieur du
village; rendez-vous à telle heure là-bas. C’était la totale
liberté, vraiment en dehors du monde adulte, mais profitant
quand même des adultes..."


C'est
où l'enfer ?
"... Ellignies,
on disait parfois, c’est la porte de l’enfer. Surtout les
gens de Frasnes disaient Ellignies, c’est l’enfer. C’est
vrai qu’il y avait beaucoup de « buveux ».
Toutes les maisons étaient un petit peu un café
clandestin. Le matin, on buvait sa petite « goutte ».
J’ai vécu là jusque à peu prés 23 ans. Notre ferme, c’était
une petite ferme de 7 ou 8 hectares. On pouvait vivre très bien
avec une ferme de cette grandeur. Maintenant, cela vaut un petit
champ pour un fermier..."
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Maurice Pichon
Une
enfance entre 2 communautés
"... J’y
suis né en 1943 et j’ai surtout passé mes études primaires
dans ce village. Il y avait 2 communautés à Ellignies :
celle des adultes et celle des jeunes qui vivait parallèlement à la communauté des adultes. Les jeunes
intervenaient auprès des adultes mais surtout, ils avaient une
vie à part en allant dans les bois.
On avait des cachettes partout et on appelait cela des
camps. Quand la Rhosnes débordait, on allait faire du canotage
avec des cuvelles. On avait énormément d’activités qui ne
plaisaient pas toujours aux adultes, mais c’était une
communauté séparée qui était bien au courant de ce que
les adultes faisaient et des petits bruits de ménage, des
petites scènes. On savait mais on avait intérêt à ne rien dire. On était
conscient de cela..."
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Devant la maison natale à Ellignies
Ceux
d'en Haut et ceux d'en Bas
"... Les
gens du bas du village d’Ellignies avaient quand même plus
d’aisance que les gens du haut, ceux du Bois de Martimont. La terre sur le bois de Martimont, c’est du sable, des
galets avec des petites fermes et toute une série d’ouvriers
agricoles et de servantes qui descendaient sur le village d’Ellignies
pour travailler dans les fermes et qui remontaient le soir. On
était plus pauvre sur le dessus mais les petits fermiers d’Ellignies
n’étaient quand même pas très riches. Malgré tout, ils se
considéraient différents des gens de Martimont, plus indépendants,
plus vite révolutionnaires, moins classiques quoi ! Notre
champ de plaisir, notre champ d’action, c’était la Fontaine
à Buse et la Fontaine de l’Enfer. On y allait par les petits
sentiers et par la lande à cette époque-là. Maintenant, c’est
boisé. On y organisait des jeux de cow-boys, indiens, Tarzan.
Cela se faisait beaucoup à la fontaine et puis quand on
devenait un peu plus grand, les rendez-vous galants, c’était
là aussi..." |

Collinard ou collineux ?
"... Ma maison natale est tout à fait changée et rénovée. Elle ne nous appartient plus. Des bâtiments ont été abattus et c’est devenu une belle petite maison de campagne. Ce sont des étrangers qui l'ont achetée, des gens du coin quand même, des collineux parce qu’il y a les collineux et les collinards. Un collinard correspond à campagnard, à un type élevé dans les collines qui connaît le caractère rural, pas parce qu’il acquit la ruralité mais parce qu’il connaît la terre et qu'il sait mettre ses mains dans la terre. Il connaît les rythmes de la terre des saisons et il a plein de points de repères et ses racines dans les Collines. Je suis collinard parce que je suis né dans les collines, que j’ai biné des betteraves, que j’ai travaillé derrière des chevaux. Le collinard, c’est un rural et le rural ce n’est pas seulement celui qui obtient une ruralité. Non, c’est les mains dans la terre. La terre à ses vérités, ne fut-ce seulement comment on la touche, on l’aperçoit. Ca, c’est le collinard. Il va avec campagne, il va avec champ. Il y a le collinard et disons le touriste qui devient collineux et qui plus tard devrait devenir collinard. Cela est important, il ne faut pas oublier les gens du cru..."
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