La découverte de la lecture

"... Ici, nous sommes en direction de Montreuil-au-Bois, l’extrémité de mon domaine d’Ellignies. Je passais par ici pour aller vers Montreuil où je portais notamment la viande pour un boucher; le « charreux » qu'il s’appelait ce boucher-là. J’y allais avec mon petit vélo rouge et je portais la viande pour lui au lieu d’aller à l’école. Je pouvais faire cela pendant 2-3 jours. Je faisais l’école buissonnière. J’allais aussi beaucoup à cette ferme qui s’appelait la ferme « Dufaicheux ». Une ferme en carrée où il y avait énormément d’activités. C’était une grande ferme avec 3 chevaux. C'est le nombre de chevaux qui donnait l’importance à la ferme. Il y avait l’ancêtre, l’ouvrier, une fille. Autour de la table, les repas organisés. On cuisait le pain, il y avait la laiterie et puis une chose très importante : une garde-robe dans la dernière chambre où se trouvaient des bandes dessinées notamment des Tintin, Bécasinne, les Pieds nickelés. C’est ici finalement que j’ai découvert le plaisir de lire. C’était très rare à l’époque d’avoir des livres chez soi. Pour avoir des livres, je devais aller chez le docteur Fievet à Frasnes ou bien chez le vétérinaire Dorchy. J’avais une relation assez singulière avec eux. A chaque fois ils me prêtaient des livres de Jules Verne et je devais ensuite faire un résumé à leur femme. J’adorais lire..."



Dans la cour de la Ferme Dufaicheux

 

La guerre au Château

"... Ici, nous sommes près du Château d’Anvaing. Quand nous allions à l’école, avec ces deux kms de drève, c’était une halte obligatoire. Il y avait toujours quelque chose à voir ou à faire. Des épinoches qu’on pêchait. Puis le gibier. Quand on voyait les faisans, on courait après même si la maison du garde était tout près, on s’y risquait. C’était facile à attraper et on les rapportait alors chez nous. Puis, un beau jour, on a découvert qu’il y avait des armes. Les allemands quand ils sont partis après la guerre ont jeté des armes dans un lieu que l’on appelle « le gouffre », là où le canal se jette. On a eu accès aux grenades et à des espèces de petites bombes. On passait notre temps à les défaire pour prendre la poudre et faire des feux d’artifices jusqu’au moment où l’instituteur l’a appris. Le service de déminage est venu. Il faut savoir que la capitulation en 40 a été signée ici au Château d’Anvaing et puis les allemands l’ont occupé ave un stock de munitions qu’ils ont détruit à la libération ou qu’ils ont jeté par-ci par là. C'était une de nos activité favorites mais évidemment dangereuse..."


Autour du Château

 

 


La Ferme Dufaicheux

D'Ellignies à Anseroeul

"... Après mes primaires, j’ai dû être "enfermé" parce que j’étais indiscipliné. On disait toujours que je finirai à l’école de correction. Au lieu d’y aller, je suis allé en pension ce qui ne fait pas une grande différence pour moi. Après 9 années de pensionnat et des études pour enseigner, je me suis marié. Ma femme enseignait à Anseroeul. C’est comme ça que je suis venu habiter à Ansereoul. J’ai vécu alors dans un petit coin retiré en pleine nature, un cul de sac, ce qui me plait très bien. J’ai enseigné 20 ans en enseignement spécial. Puis je me suis recyclé à la commune du Mont de l’Enclus car j’en avais assez de l’enseignement. Là j’ai pu, grâce à la fonction que j’avais - responsable des travaux et des ouvriers communaux - vivre beaucoup dans le paysage parce que pour être efficace dans ce boulot, il faut marcher beaucoup, connaître ses cartes, ses plans. Cela m’a permis de découvrir l’importance des routes, des chemins anciens, des hameaux. Ca m’a beaucoup marqué. Je vivais dans un paysage que j’avais toujours aimé. Je n’avais pas quitté les Collines puisque je trouvais une autre colline..."


Le Château d'Anvaing

Rata et compagnie

"... Passer d’Ellignies à Anseroeul, ce fut quand même un grand changement. J’ai eu la chance de tomber dans un hameau - Ocheroeulx- où existait une mentalité d’entraide et de participation à la vie de l’un et de l’autre sans toutefois s’encombrer mutuellement. On n’allait pas beaucoup les uns chez les autres mais on s’aidait quand il y avait un problème. On a été longtemps sans salle de bain. La voisine qui était une ancienne fermière a fait installer la sienne. Alors, on allait se laver le samedi chez elle. Elle préparait l’eau chauffée sur des becs de gaz et criait : « allez, venez » !  Quand la voisine mettait une chaise sur le coté de la route, cela voulait dire : vous devez rentrer ! Elle nous avait préparé de la rata aux chicons ou aux carottes. La mentalité du petit coin où je vis et qui est toujours la même..."

 

                           Suite