Sur la route qui mène à Ellignies, la maison familiale de Frasnes-lez-Buissenal

"... Nous sommes venus habiter ici en 1937 juste avant la guerre. C’était une ferme avec 7 ha au début et puis après, avec le voisin qui était assez âgé, on a fait, comme on dit en patois, à moitié : on cultivait le tout, on avait la moitié de la récolte et l'autre moitié, c’était pour le propriétaire. Après il nous a remis toutes ses terres, 7 ha plus 2 ha d’une autre petite ferme. Quand mon père est mort, il avait 24 ha en location, pas en propriété. Avec des petits morceaux par ici et par là on s'est agrandi. A côté aussi, c'était une ferme où habite mon frère. En 2005, 24 ha, c'est trop petit. De notre temps, on vivait dans 2,3 ha. Aujourd’hui, il faut minimum 50 ha pour nouer les deux bouts. Cela devient catastrophique pour les fermiers avec tous les quotas qu'ils ont pour le blé, les betteraves... ça s'internationalise si on veut. Comment arrêter ça ? Je ne sais pas..."

Emile "Tout Juste"

"...Mon père est mort assez jeune, il avait 68 ans et ma mère est morte l'année suivante, alors on a habité ici avec ma femme et mes enfants. La ferme s'est transformée en habitation. Aujourd’hui, on dort dans les anciennes étables avec les voûtes. Il y a une vingtaine d'années que j'habite ici. C'est mon travail tout ça ici. J'aime bien maçonner. Je maçonne aussi bien qu'un maçon mais il me faut 4 fois plus de temps. S'il faut mettre mon niveau sur chaque tas de briques, je le mettrais. Dans un sens, j'ai hérité un peu de Baptiste "Tout juste" !. Ou je ne fais rien ou je fais quelque chose mais il faut que ce soit bien fait, c'est l'un ou l'autre. Je ne sais pas faire à moitié, c'est comme ça. 10 ares de jardin, ça demande du boulot. Les fleurs, c'est Claire mon épouse qui s’en occupe. Je m'occupe du potager..."

Zone verte

On a vue sur les bassins de décantation de l’ancienne sucrerie de Frasnes. Auparavant, la sucrerie rejetait ses eaux directement dans la Rhone qui est la rivière qui passe en dessous. Puis il y a eu des décrets, ça a été interdit. Il a fallu que la sucrerie installe une station d'épuration. Les eaux qui étaient épurées à la sucrerie arrivaient dans un bassin de 7,5 ha et puis seulement après quand les eaux étaient bien propres, elles étaient rejetées dans la Rhosne. Maintenant, il n'y a plus de sucrerie mais les bassins restent là et on ne va pas les mettre en culture. Ce sera comme une zone ornithologique. Les bassins pourront conserver une faune et une flore tout à fait particulières. Actuellement, il y a 49 oies bernache et on a dénombré jusqu’à 120 espèces d'oiseaux avec ceux de passage. Des canards, des mouettes, évidemment, des hérons, des cygnes. Il vaut mieux qu'on laisse ça en zone d'eau et ornithologique. D’ailleurs mon frère qui est fermier dit : "on va les mettre en culture et puis on va donner de l’argent aux fermiers pour qu'ils les laissent en jachère, ça ne vaut pas la peine". La commune veut absolument conserver le caractère rural de Frasnes et j'estime qu'ils ont raison, c'est un peu dans nos idées écolo bien sûr, on peut le dire…  

La nostalgie n'est plus ce qu'elle était

Il faut conserver la mentalité actuelle du village, le style des maisons, ne pas faire d'autoroutes, interdire tout ce qui est pistes de 4X4... Qu'on envoie ça dans des zones où il y a déjà de la pollution. Garder le caractère rural au point de vue site, au point de vue atmosphère, au point de vue culturel aussi. Notre rue ici est habitée par des citadins qui sont attirés par Frasnes parce que c'est un coin reposant, je les comprend, mais l'inconvénient, c'est que ces gens-là, ils ne frayent plus, ils restent chez eux. Moi je circule beaucoup pour les opérations 11.11.11, les îles de Paix, Amnesty international, la Croix Rouge. J'arrive, je sonne et quand on vient ouvrir, c'est : "non, merci monsieur, ça ne nous intéresse pas".

 Ils perdent un peu la mentalité conviviale qu'on a dans notre quartier… Je les comprend, ils viennent ici, ils quittent la ville, ils veulent la paix, mais voilà... Ce sont souvent des personnes dans la trentaine. Ils n'ont pas notre mentalité. Nous sommes des vieux maintenant nous autres ! Notez que cette mentalité s'est perdue aussi parce que dans le temps, il y avait les petites fermes, on s’entraidait à la moisson. Mon beau frère avait une batteuse et la batteuse faisait toutes les petites fermes, on travaillait ensemble, on chargeait la moisson ensemble, on battait ensemble, ce qui n'est plus le cas. Maintenant, le fermier, ce n'est plus un fermier. Il fait venir des entrepreneurs, il dirige mais ce n'est plus lui qui vient moissonner, qui vient labourer avec des engins de plus en plus gros..."

 

 

 

 

 


Vue sur les anciens bassins de décantation

 

 

 

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