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extraits de contes de Maurice Pichon
D'abors un extrait de conte du Mont-de-l’Enclus qui évoque un
enfant rejeté et éduqué par l'ermite et qui deviendra plus tard
le libérateur d’une malédiction qui existait sur le village.
...
Ce
fut au début de l’automne qu’éclata l’orage sans pluie
ni vent. Le ciel se déchirait,
crissant et grondant. Les éclairs s’entrelaçaient, se
chevauchant et se nouant en foudre. La terre tremblait.
Directement, le saint homme reconnut cet orage et le lendemain,
il quittait sa retraite, traversait sa vallée marécageuse,
passait à gué la rouge rivière, gravissait les hauts champs
et distinguait enfin la haute tour carrée. Par des voix
dissimulées, il pénétra dans le territoire maudit et se
renseigna. Il cherchait
un grand bois de chêne où vivait des porchets. Méfiant,
agressif face à cet étranger qui les subjuguaient, les
paysans le dirigèrent vers le Quesnoy.

De
suite, il identifia le paysage. Il dût vaincre l’hostilité
misérable des êtres sales et mal odorants qui y vivaient.
Ainsi, il apprit l’accident survenu la veille à un enfant
dont la vue avait été consumée par la foudre, un aveugle. Une
bouche inutile à nourrir surtout en ces temps si dur où Walran le maudit prenait même le vital, un pou
qui sucerait le sang. Ah, autrefois, on l’aurait vendu pour
qu’il mendie sur le parvis des églises au profit d’un maître
brigand mais le commerce était éteint, que Dieu le rappelle
donc, que Walran le détruise même. Comment ? S’il voulait lui
donner à lui, l’inconnu ? Bien sûr que non, ne pourrait-il
servir ? Et puis on y tenait, hein ? Pourtant, si l’étranger faisait un
geste... On était si pauvre. L’ermite coupa court, saisit dans
son sac une vessie de porc remplie de pièces et la jeta dans la
première main qui se tendit. Il dit je suis Qatbath l’initié. Il agrippa l’enfant
aveugle qui rampait dans la vase et ses excréments, le chargea
sur ses épaules et s’en alla...

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La
traque éternelle
Extrait d’un conte se rapportant à
Ellignies : « La traque éternelle » où l'on
voit Jules Diricq, un habitant d'Ellignies partir à la traque
au lapin et ne pas en revenir vivant. Voici le moment où l'on
sonne le glas lors de son enterrement...
Tombe de Jules
Diricq
à Ellignies
...
Tandis
que le glas s’épillait comme du blé trop mûr et qu’il
tombait grain après grain sur le village tassé, l’enfant
s’assit solitaire au bord de l’allée centrale de l’église
parmi les chaises trop sages. Il sentait rouler sur lui les
amples larmes sonores qui ébranlaient sa faible chair. Le mécanisme
ronflait dans le clocher, la corde cognait contre la trappe au dessus
du porche, le battant enfonçait puis s’emparait du silence qui
les calait avec brutalité. De son bâton, le gamin tapait en
rythme, une dalle à droite, une dalle à gauche. Soudain, au fond de lui, né d’un écho
inconnu :
" Jules est mort, Jules est mort" à la cadence du
glas et il s’y agrippa pour ne pas la perdre. Le moment était
magique et il le vivait intensément. Ainsi, la cloche avait pris
l’âme du sonneur, ainsi la cloche portait l’âme du défunt,
ainsi la cloche pénêtrait l’âme de ceux qui l’entendait et
elle leur parlait. "Jules est mort, Jules est mort".
Dans une
puissante illumination, je venais de découvrir la communication entre les choses et
les êtres. Je n’ai jamais oublié cet instant et je m’en
souviens toujours avec émotion...

Tombe de Jules
Diricq
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